Mission Nur Vankis I - Aller

Le lieutrenant colonel Wyrd et le professeur Galandrix étaient connus dans toute la base, autant pour leurs inspirations de génies que pour leur caractère à part. Leaders naturels, ils se démarquaient des autres et semblaient imperméables aux convenances du commun... surtout quand ils étaient ensembles.

En temps normal, ces deux individualités posaient souvent plus de problèmes que leurs capacités hors-normes se montraient profitables... Mais on n'était pas "en temps normal". Pas depuis des mois avant le crash, et encore moins depuis.
On était en temps de crise. Et tout ombrageux qu'ils fussent, ils étaient exactement ce dont les survivants avaient besoin: des chefs charismatiques. Quand ils se trouvait près d'eux, les gens oubliaient qu'ils étaient perdus loin de tout ce qu'ils connaissaient; perdus au fin fond d'une foutue jungle qui ne voulait pas d'eux, avec tout plein de sacrés bestiaux bizzares et affamés et d'autres trucs que Bobcko ne comprenait pas, et n'avait pas envie de comprendre.
Quand on était près d'eux, la détresse se transformait en aventure, et les situations désespérées n'étaient que des occasions rêvées pour montrer qu'on était à la hauteur, faire une prouesse et devenir un héros.
Quand on était près d'eux, la terreur s'en allait, et on découvrait à la place le courage, la détermination et l'exitation des grands jours.

C'était pour ça que Wyrd O'Dean était Colonel (même si il en avait refusé le titre). c'était pour ça que le Docteur Galandrix était la plus jeune (double!)chef de labo de l'histoire depuis l'époque des messies. C'était pour ça que malgré toutes les réticences de certains gratte-papiers ces deux là et le légendaire Akira Leonin étaient devenus les chefs des exodés, et représentaient l'autorité dans ce qui pouvaiet être le dernier bastion de l'humanité.

Bobcko savait qu'il les suivrait jusqu'en enfer si ils le demandaient, et sans poser trop de questions. Il savait que c'était le cas de chaque soldat de l'expédition.

C'est pourquoi quand ces deux là s'éloignèrent du HMV pour une prise de becs comme ils en avaient le secret, sans fusil ni escorte, au mépris de toute consigne de sécurité, personne ne broncha.

Ni bobcko, ni les autres ne s'attendaient à autre chose que ce qu'ils avaient prévu: ranger tout dans le HMV, attendre le retour du lieutenant-colonel et du commander et se remettre en route.

Juste le temps de s'en griller une...

Un éclair surgit d'entre deux racines et Bobcko mourut avant d'avoir pu crier. Tandis que la créature refermait ses mandibules sur son corps, une giclée de sang aspergea Lenora, restée à six mètres de lui, près du HMV.

Alors qu'il suivait la scientifique d'un pas plus modéré à cause de l'assèchement de sa jambe bionique qui supportait mal les conditions climatiques de la jungle, Wyrd était toujours aussi alerte. Ces drogues qu'il s'était injecté avaient sur son organisme un tel effet qu'il aurait presque été persuadé d'avoir un sixième sens à emmerdes. Dans leur marche vers le HMV, il sentit de sa jambe encore valide un tremblement net sur le sol ... quelque chose avançait.

Main sur son holster, il continuait d'avancer, au loin la silhouette de Bobcko se dessinait dans la nuit et il semblait qu'il était manifestement en train de se griller une cigarette. C'est alors que surgit le monstre qui faucha le militaire avec une vivacité surprenante pour sa taille. D'expérience, le lieutenant-colonel savait très bien qu'ils ne pourraient rien faire pour son subordonné, il était déjà trop tard pour lui.

Dégainant son arme de poing, il ajusta la créature au niveau des articulations de ses pattes ... Et peut importait lesquelles au final. Il tira deux coups avant de crier dans son communicateur :

- Code Rouge ! Code Rouge ! Quelqu'un à la tourelle, vite ! Protégez l'archiviste !

Au vu de leur position, tout ce qu'il pouvait faire était de distraire la créature à coups de petits calibres et rester prudent pour sa propre survie et, même si elle ne le voudrait pas, celle de Naya.

Les sentiments de Naya étaient partagés. Elle savait ce qui la perturbait mais ne voulait pas en parler à Wyrd. Cela faisait remonter trop de souvenirs. Beaucoup trop.

Au loin, elle aperçut Bobcko s'écarter pour se griller une cigarette. Elle esquissa l'ombre d'un sourire. Le sergent était un brave homme. Il s'était comporté dignement durant toute leur aventure dans la jungle avec les Kyehens. Malgré ses claires réticences sur le fait qu'elle n'était qu'une scientifique, et donc pas formé militairement, il lui avait accordé sa confiance tout en lui assurant une protection qu'elle savait efficace.

La confiance qu'il lui avait accordé l'effrayait même un peu. Car elle prenait conscience du pouvoir qu'elle -et Wyrd- possédait sur les exodés. Ils étaient devenus des figures emblématiques et n'avait pas le droit à l'erreur.

Aussi elle regretta son comportement inapproprié à leur situation et se retourna pour s'excuser auprès de Wyrd lorsqu'elle sentit le sol trembler.

La jeune femme n'eut pas le temps de se retourner qu'elle entendit le bruit d'un corps craquer. Et la voix de Wyrd hurler.

D'un geste vif, elle sortit son pistolet et regarda au niveau du HMV. Lenora était à quelques mètres de la créature seulement et les soldats restant n'était pas assez prêt du véhicule pour la protéger. Mais elle était trop loin. Et trop mal placée pour faire quoi que ce soit.

Wyrd, Lenora est seule, elle ne saura pas utiliser la tourelle.

Des cris et des coups de feu. Le lieutenant colonel Wyrd hurlait des ordres tout en vidant son chargeur...
Du sang.
Beaucoup de sang.
D'où provenait tout ce sang?
Bobcko ne comprenait pas. Ce devait être un rêve.
Voilà qui expliquerait aussi le froid : il ne pouvait pas faire aussi froid au beau millieu de la jungle, pas vrai?
Un rêve...

Bobcko entendit une série de craquements tandis que la créature lui broyait la cage thoracique.

La créature vit les proies qui se regroupaient pour se défendre. Les proies pouvaient devenir dangereuses quand elles oubliaient de rester des proies; c'est pour celà qu'il fallait les cueillir par surprise. Une douleur à la patte confirmait ce fait.

Un horrible bruit de succion retentit tandis que le monstre disparaissait avec son déjeuner dans le tunnel d'où il était apparu.

Les coups de feu retentirent encore quelques secondes dans la totale indiférence de la jungle.

Manifestement leurs efforts conjoints étaient venus à bout de la détermination de la créature. Cette dernière était d'ailleurs inconnue au bataillon des bestioles dangereuses qu'avaient déjà affrontés les Exodés. Ainsi donc le lieutenant-colonel avait-il paré au plus pressé, faire fuir la créature, ils ne pouvaient déjà plus rien faire pour Bobcko ... Et cela tout le monde le savait, même si cela était cependant très douloureux à constater. La créature, blessé à une articulation et certainement pourvue d'un instinct de survie assez développée n'avait pas demandée son reste et s'était enfuie.

Un instant, juste un instant d'inattention de sa part pourrait être fatale à un autre membre de l'équipe. Telle était la douloureuse leçon qu'il venait de recevoir en pleine face, sans avoir la possibilité de s'y dérober par une quelconque pirouette intellectuelle.

Le visage fermé, il rengaina son automatique et s'avança pour récupérer l'arme de son défunt soldat. L'empoignant fermement il dit d'une voix qui coupait court à toute contestation :

- Vous dormirez tous dans le HMV. Nous repartons tout de suite. Streton, vous veillerez à ce que sa femme soit reçue par mes soins à la fin de cette mission. Allez tout le monde, exécution. Prochain arrêt : le Nur Vankis.

Être un chef. Être conscient des sacrifices de chacun pour sa vision des choses. Wyrd en avait assez de tout ça, même pas deux mois après leur atterissage. Si il en avait le charisme, il n'avait pas l'intellect et la présence d'esprit d'un leader. Et pourtant il devait faire comme si c'était bel et bien le cas. C'est ainsi qu'une fois que tout le monde fut entré dans le véhicule, il s'installa aux commandes et enclencha la propulsion magnéto-dynamique. Voyager de nuit n'était guère plus sérieux que tout ce qu'il avait accompli depuis le début de cette mission, mais il leur fallait rattraper leur retard. Et il fallait également que la mort de Bobcko ne soit pas vaine, car c'était un homme qui aurait mérité bien mieux que ça.

°°Objectif actuel ... couvrir le plus de distance possible avant que je m'effondre de sommeil.°°

Pensa l'officier en enclenchant une accélération manifeste, ayant pour seul objectif de leur faire regagner les précieux kilomètres qu'ils avaient perdus.

La progression du HMV était frustrante. Wyrd avait beau tirer parti de toute la puissance et le couple de ce merveilleux véhicule , il n'en restait pas moins que les arbres, arbustes et autres végétaux plus ou moins bizzares continuaient à se mettre sur son chemin. Autant d'obstacles, remparts et autres ecueuils qui l'obligeaient à négocier des détours et à ronger son frein.
Il avait bien songé à utiliser la tourelle pour se dégager un chemin mais la flore était tellement luxuriante qu il dut se restreindre pour ne pas gaspiller toutes les munitions.

Les heures passèrent, fatigantes et frustrantes pour les uns, angoissantes et mornes pour les autres.

Quelques fois, des animaux approchèrent du montre de métal fumant pour satisfaire leur curiosité ou leur appétit.

On ignora les premiers





et on ne laissa pas aux seconds le temps de se raprocher de trop près.





La nuit passa ainsi, les effets de la drogue maintenant Wyrd dans un état de tension continu pendant que les passagers dormaient à tour de rôle.

Naya n'avait pas vu les événements se passer, ou presque. La créature disparue, Bobcko mort et Wyrd les faisant rentrer de force dans le HMV. Les heures défilaient sur sa montre et le véhicule semblait ne pas avancer ou presque.

Pour s'occuper, la jeune femme commença à vider ses poches pour faire le tri (c'est un moyen de s'occuper comme un autre). C'est alors qu'elle tomba sur le journal électronique qu'ils avaient découverts sur le corps de l'un des prisonniers qui les avaient attaqués.


Et merde !

Lacha-t-elle tout à coup. Pas assez fort cependant pour réveiller les autres occupants du HMV. Elle se leva alors tant bien que mal et alla rejoindre Wyrd dans la cabine de pilotage.

Le voir ainsi, fatigué et extrémement tendu lui serra le coeur. Elle posa doucement sa main sur son épaule en pauvre signe de réconfort. Elle attendit ainsi plusieurs minutes, jusqu'à ce qu'elle sente les muscles de Wyrd se détendre légèrement.

J'ai quelque chose à te dire.

Lança-t-elle alors de but en blanc.

Puis, elle lui révéla ce qu'elle avait découvert dans le journal. Le regrouprement des prisonniers, l'arrivée du mystérieux leader, le vote... tout.

Ils avaient abattus une bonne partie du trajet durant cette nuit et Wyrd devait bien avouer avoir hâte d'arriver. Tapotant sur l'écran de contrôle de leur trajectoire supposée il vit qu'ils n'étaient plus qu'à environ trois heures de route de leur destination finale. Même si les drogues qu'il avait prit le temps de s'injecter étaient en train de le faire tomber doucement mais surement dans le sommeil, il se dit qu'il valait mieux avancer encore un peu dans la jungle. Pour ne pas se planter violemment il décèlera progressivement pour retrouver une vitesse plus posée.

Ce fut cet instant que Naya choisit pour se faufiler dans la cabine de pilotage. Intérieurement le militaire espérait sincèrement qu'elle n'était pas revenue pour continuer leur dispute en huis-clos. Il n'avait pas la force mentale nécessaire à ce genre de verbiages, concentré sur la route il ne prit pas la peine de se retourner pour savoir qui était entré, il pouvait reconnaître le parfum de son amie parmi des centaines d'autres.

Plus que rigide à l'idée que leur dispute puisse reprendre il sentit la main de Naya se poser sur son épaule. C'était sûr qu'ils n'avaient pas vraiment eus le temps de régler leurs différends mais néanmoins face à l'adversité ils avaient toujours étés soudés. Les souvenirs de ces moments de doute, de danger de mort, de bonheur, de larmes et de rire remontaient à la surface de l'esprit embrumé du militaire qui peu à peu put se détendre avec une certaine efficacité. C'est ensuite que Naya lui fit son rapport sur leur expédition, durant lequel pour être pleinement attentif il s'était arrêté de conduire, avait stoppé la machine et s'était retournée vers elle.

Les bagnards étaient en train de s'allier sous la coupe d'un chef charismatique et doué. Voilà bien une nouvelle qui était loin de réjouir le lieutenant-colonel. Mais la fatigue le prenait peu à peu le dessus sur la peur que pouvait lui inspirer cette situation, il se contentait d'enregistrer les informations. La nuit portait conseil disait-on souvent ... même si le jour était en train de se lever maintenant, au moins ils seraient plus en sécurité sur l'aplomb rocheux ou Wyrd avait garé le HMV, ce même aplomb qui donnait sur un panorama splendide avec devant eux, à deux heures et demie encore de route en véhicule : le Nur Vankis, vaste masse affalée sur le coté. Des proportions gargantuesques : trois cent kilomètres de long, cent-vingt de hauteur et quarante de largeur. Maintenant cette forme qui fendait majestueusement le vide de l'espace gisait en plusieurs parties distinctes sur une zone extrêmement vaste. Wyrd gardait le silence en regardant le lever de soleil sur cette zone ... Puis il finit par dire avec un léger sourire aux lèvres :

- Il y aura peut être, pour ne pas dire certainement, d'autres keyhens dans l'épave. Ou d'autres espèces intelligentes en train de faire leur marché. Peut être même les bagnards qui sait ? Mais tu vois, là, j'avoue n'en avoir rien à faire tellement cette lumière et ce paysage me laisse sur le cul. C'est en voyant ce genre de choses qu'on se dit qu'au final on est peut être bien chez nous.

Toujours assis à la place du conducteur, Wyrd entendrait les premiers mots de la réponse de son amie. Avant de sombrer dans un profond sommeil.

Naya s'endormit peu de temps après Wyrd, et faisant abstraction des ronflements insistants, ne pouvant s'empêcher de penser que son ami avait foutrement raison. Peut-être étaient-ils bien chez eux...

La jeune femme s'endormit avec cette pensée réconfortante à l'esprit, et cette vision paradisiaque sous les yeux. A son réveil, cette même vision l'assaillit et lui tira un sourire. Elle décida que cette journée serait bonne et fructueuse. Puis, les discussions stratégies commencèrent. Lenora désigna l'endroit où devait se trouver les archives puis, la question de savoir s'il fallait continuer en HMV ou à pied fut soulevé.

Naya regarda le paysage qui s'offrait à eux et réfléchit. Le HMV perturberait l'harmonie des lieux et attirerait sans nul doute l'attention de prédateurs qu'il valait mieux éviter.

Je pense qu'il faut continuer à pied. Rien ne nous dit que nous serions plus rapide en HMV, il suffit de voir la jungle épaisse qui s'offre à nous. Chargeons-nous du minimum, soyons discret, rapide et surtout prudent...

C'est mon avis.

Réveillé avec fort secouage par l'un de ses hommes, Wyrd grogna profondément ... il n'avait que trois heures et demi de sommeil dans les pattes, en tout cas c'est ce que lui montrait son compteur chronologique - que les béotiens appellent montre -. Il savait bien que ce droguer n'était pas la solution a leur problème actuel, cela avait juste permis d'arriver à temps sur zone. A force de passer du temps à prévoir des briefings Wyrd en devenait procédurier et bureaucratique. Cette révélation, couplée à son actuel mal de crâne, devenait bien plus grave et tangible que le monstre fictif qu'il aurait pu affronter dans son esprit. Après cinq minutes de comatage intensif sur son siège de pilotage, il grogna en se levant et saisit au passage son fusil fermement attaché sur le rack magnétique.

D'un pas peu assuré, il se déplaça dans l'espace exigu mais fort heureusement vide du HMV, avant de poser une main sur la porte de sortie. Dehors il entendait Naya donner son avis sur la suite de la mission. Laisser le HMV ici et continuer à pied ... C'était un point de vue logique et très intéressant mais il doutait de la bonne marche de cette expédition pédestre. Cependant le sommeil lui embrumait encore l'esprit et il ne se rappelait pas vraiment de la configuration du terrain. Néanmoins pour l'instant ce n'était pas exactement ce qu'on lui demandait, il fallait juste qu'il se montre prêt à la suite des opérations.

"Ça te fera du bien de partir en mission et de t'éclater un peu", avaient étés les mots de naya pour faire qu'il les accompagne et à cet instant précis tout cela lui semblait surtout être une belle connerie de sa part. Il doutait même de sa propre efficacité en tant que militaire de terrain ... Non ... se calmer, la drogue qu'il avait pris pouvait induire un sentiment de dépression si on était réveillé avant le temps de récupération, il le savait. Il fallait lutter contre une déprime artificielle, comme s'il n'avait déjà pas assez de problèmes comme ça ...

Elle n'était pas la seule à avoir besoin de lui en cet instant et il le savait, d'ailleurs il ne pourrait pas cacher le fait qu'il était fatigué. Mais il était le responsable de cette opération et devait la mener à bien, même si ... Prenant une forte inspiration, il expira tout en sortant de l'habitacle du HMV. D'une voix assurée malgré son état de fatigue visible, il dit :

- Je n'aime pas l'idée d'abandonner le HMV ici, il fournit un soutien certain en termes d'armement et de refuge. Je propose plutôt de faire une première reconnaissance jusqu'à l'épave, si le chemin semble sur une partie d'entre nous reviendra au véhicule et l'amènera au plus près. Transporter des matériaux du vaisseau mère au HMV sur une telle distance nous expose à trop de risques ... Et nous avons déjà perdu un homme alors soyons paranoïaques maintenant ... Je vais déjà devoir aller rendre visite à une mère de famille, je n'ai pas envie d'en faire de même avec d'autres.

Naya observa Wyrd s'extirper du HMV et donner son avis sur la manière de procéder. Elle écouta à moitié ce qu'il avait à dire -elle le connaissait suffisamment pour savoir exactement qu'elle serait son avis- à la place, elle lui lança un regard perçant.

Depuis quelques années déjà, Naya savait que quelque chose clochait avec son ami. Au départ, elle ignorait qu'est-ce qui provoquait ce sentiment chez elle. Puis, elle commença à étudier son comportement. Petit à petit, elle décela les symptômes.

Le lieutenant-colonel Wyrd O'Dean, militaire de renom pour son courage, sa volonté -son mauvais caractère-, ce guerrier qui avait brillé par ses exploits....

... était un drogué.

Bon. Il fallait l'avouer : elle n'avait aucune preuve. Sauf qu'un pressentiment de ce genre, ça valait toutes les preuves du monde.

Naya n'avait jamais dit à son ami qu'elle savait. A quoi bon. Ça ne l'aiderait pas. Non. A la place, elle s'était lancée à corps perdu dans un projet pour sauver son ami. Une nouvelle jambe. Ce problème de drogue était l'unique raison pour laquelle elle avait décidé de créer une remplaçante à sa jambe cybernétique. Car elle savait que ce bout de métal était à l'origine du dérapage de Wyrd.

En voyant l'état du lieutenant-colonel lorsqu'il prit la parole, Naya se mordit la lèvre inférieure en se maudissant intérieurement de ne pas avancer plus vite sur son projet.

Puis, elle s'obligea à sortir de ses pensées et prit la parole à son tour.

Nous ne perdrons pas un homme de plus sur cette mission. Faisons vite alors, que la nuit ne vienne pas nous surprendre...

Puis, sans attendre de réponse, elle se mit en route.

- La nuit ? Mais on est même pas au milieu de la matinée ... Crois moi on va y arriver.

Avait répondu le militaire à sa comparse alors qu'il avait la tête baissée sur sa propre jambe cybernétique pour en vérifier les réglages avec une attention méticuleuse. Lorsqu'il releva la tête, Naya était déjà en train de marcher devant eux.

Oui il avait remarqué le regard qu'il avait eu lorsqu'il était sorti de l'habitacle du véhicule, mais n'y avait pas fait plus attention que les autres fois. Durant des années même ses amis les plus proches ne s'étaient doutés de rien, alors malgré son état de fatigue comment aurait-il put en être autrement ? Il n'imaginait pas ce qui se passait dans la tête de Naya, si cela avait été le cas il aurait certainement eut une approche différente et ne ce serait pas relevé sans ciller. Surtout face au fait qu'elle avait eu une moue embarrassée, il traduisait cela uniquement par le fait qu'elle s'inquiétait pour son état de fatigue. Au royaume des aveugles les borgnes sont rois ... Donc in fine Wyrd était un vrai pouilleux.

Surtout qu'il ne s'en rendait vraiment pas compte de ce que ressentait son amie. Cependant il était sûr d'une seule chose, c'était qu'elle était en train de s'exposer trop facilement au danger. Pressant sur ses jambes avant qu'elle soit trop loin, il la rattrapa tout en faisant signe aux autres de rester un peu à l'écart. D'une voix sincèrement inquiète, il lui dit :

- Hop pop pop ... Ou tu vas là ? Tu as déjà pris bien assez de risques Naya et j'ai déjà du mal à me le pardonner. Nous les militaires allons ouvrir et fermer la marche, c'est notre boulot. Lenora et toi restez au milieu, on ne peut perdre personne c'est vrai d'un point de vue moral. Mais ... Soyons pragmatiques trois secondes veux tu ? Si y'en a bien deux qui doivent survivre, c'est vous. Vous êtes les seules à pouvoir décortiquer ce vaisseau mère, notre devoir est de faire en sorte que tout se passe bien pour vous. Quitte à ... Enfin ... Tu sais très bien ce que je veux dire.

La pensée même de pouvoir perdre la vie, c'était toujours cela qui étreignait le vétéran. Wyrd avait baigné dans cette ambiance et en serait à jamais marqué. Mais il n'en oubliait pas que les hommes du rang, là ou il avait commencé sa carrière également, étaient toujours prêts à se sacrifier pour le bonheur des autres. Son sacrifice personnel ne ferait pas le bonheur de tout le monde - il l'espérait au plus profond de lui même- mais aurait au moins le mérite de permettre au reste de l'expédition de survivre. Tout du moins si il devait mourir durant cette mission, ce serait pour sauvegarder les autres ... Aussi prendrait-il la tête de l'expédition, c'était décidé dans son propre esprit. Faisant le geste aux autres d'approcher, il dit à Naya :

- Je te connais et tu vas me tuer verbalement. Alors fais toi plaisir avant qu'ils arrivent et avec le sourire pour que personne ne se doute de rien. Je t'en demande beaucoup, mais il le faut. Pour eux.

Naya se sentit brusquement rattrapée. Perdue dans ses pensées, elle ne reprit contact avec la réalité que lorsque Wyrd lui parla. Elle lui lança un regard noir.

Elle n'avait jamais dit à son ami ce qu'elle savait parce qu'elle savait tout simplement qu'il n'accepterait jamais qu'elle le voit dans cet état. Et lui ne savait rien parce que l'idée que quelqu'un puisse l'avoir percé à jour était juste inconcevable pour lui.

Mais cela n'empêchait pas la scientifique de lui en vouloir profondément. Pas pour son flagrant manque de jugeote sur ce coup-là mais pour son inconscience. PLutôt paradoxal lorsque l'on sait que l'inconscience était justement ce que Wyrd lui reprochait. Sauf qu'elle n'avait absolument pas envie de mourir. Lui... Naya avait franchement des doutes.

Elle écouta la fin de sa tirade et observa leurs compagnons de route s'approcher d'eux. La jeune femme accrocha donc un franc sourire sur ses lèvres et murmura


Mon très cher Wyrd, lorsque je dis que personne d'autre ne va mourir, je le pense. Donc ne compte pas jouer au preu chevalier avec moi et te jeter sous les crocs d'une quelconque créature pour soit disant me protéger.

Personne n'est au dessus des autres et il est tout aussi important que tu restes en vie.

Alors tu vas me faire le plaisir de rester prudent et de me laisser faire mon boulot en paix.

Elle lui adressa un clin d'oeil comme si elle venait de finir une bonne blague avant d'attendre que Lenora la rejoigne pour qu'ils puissent tous se mettre en route.