Bureau de Naya Galandrix

- Au contraire, même si je ne suis pas un grand amateur de téraoctets de données à compiler dans la joie et la bonne humeur, je dois avouer que l'idée de ramener nos archives scientifiques sur Echo-01 me rassure.

Le militaire avait commencé à faire les cent pas dans toute la pièce en gardant les bras croisés dans le dos, il avait le regard fixe et évitait avec une certaine expertise les papiers gisant sur le sol. Cela était certainement dû à son entrainement intensif dans ses propres quartiers toujours inondés sous la paperasse. Enfin, il reprit :

- Quand à l'équipe nous avons le lieutenant Orowyn avec nous, je l'ai chargé de sélectionner deux militaires de plus et je m'en remets à son jugement. Pour l'archiviste, eh bien il faut croire que leurs rangs ont pris une sacrée claque dans l'atterrissage. Elle est encore adolescente mais elle m'a tout l'air responsable et motivée. Si tu vois ce que je veux dire.

Oh oui elle voyait parfaitement. Naya ne put retenir un sourire en se revoyant lors de ses jeunes années...

J'ai changé depuis ce temps là tu crois?

Lacha-t-elle sans même s'apercevoir qu'elle pensait à voix haute. Elle n'eut pas le temps de se reprendre et préféra se taire plutôt que d'empirer les choses. Elle observa alors Wyrd avec intensité, chacun de ses anciens souvenirs remontant brusquement à la surface. Et elle ne put s'empêcher de repenser à la première fois où elle l'a vu. Et combien elle l'avait haïs ce jour-là.

Oulaaaaa mauvaise pente, mauvais coton, bad trip que nous faisait la scientifique sur ce coup là !! Refoulant toutes ses culpabilités au fond de lui, le gaillard qui se rappelait maintenant de l'époque à laquelle elle faisait référence lacha un soupir malgré lui, il s'était déjà excusé tant de fois qu'il ne pouvait plus les compter et renonçait a le faire encore car Naya se serait énervée et le débat qui en aurait résulté aurait été plus que stérile. Avec force volonté, il reprit :

- C'est une époque que j'espère révolue et tu le sais.

Un sourire naquit sur son visage durcit par l'adversité manifeste de la scientifique a ce moment là.

- Mais c'est vrai qu'elle tient de toi à l'époque. En plus jeune. Mais quand même.

Regrettant encore plus son erreur et son laissez aller, Naya ne répondit pas. Elle ferma les yeux et expira lentement. Elle ne lui en avait jamais vraiment voulu en plus. Sauf le jour dit. Mais après ça. Elle aurait voulu le remercier mais ne l'avait jamais fait. Pas osé? Déplacé ? La jeune femme l'ignorait et ne voulait même pas y penser.

Non mais tu m'as mal comprise... je veux dire changer. Vraiment. Comme toi par exemple. T'es toujours aussi chiant mais bon, j'ai eu quelques années pour m'y faire.

LA tristesse avait disparu de son regard et un éclair de malice y pétillait de nouveau. Puis, elle afficha un air extrèmement sérieux.

Tu sais quoi Wyrd ? On se connait depuis trop longtemps.

- Et ? .... Je veux dire on se connait depuis trop longtemps certes, mais c'est pas pour autant qu'on va couper les ponts du jour au lendemain.

Sa voix trahissait un certain malaise, si il avait bien peur d'une chose c'était de perdre ses amis. Cela, cette idée d'être seul au monde, était insupportable pour le militaire qui avait eu tant de mal à avoir un groupe soudé auquel adhérer. Même si il pensait sincèrement que les paroles de Naya n'étaient pas tournées dans ce sens, il ne pouvait jamais s'empêcher d'imaginer le pire.

- Tu sais bien que je suis con, c'est normal par rapport à vous qui êtes des scientifiques éminents et respectés. Moi j'ai été éduqué à détruire mon prochain, forcément cela laisse des traces. Mais je reste réaliste et je me fais une joie de pouvoir profiter de votre savoir. Même si cela fait longtemps qu'on se connaît, j'en apprends tous les jours avec vous et c'est bien cela qui m'aide à supporter mon humble condition. Et on ne se connaît jamais assez longtemps, ce n'est pas d'ou on vient qui est important, mais ce que l'on devient.

Naya ne répondit pas mais un sourire commença à se dessiner sur ses lèvres. Elle s'approcha de son ami jusqu'à ce que leurs visages ne soit plus qu'à quelques millimètres l'un de l'autre. Puis, elle murmura.

Wyrd ?

T'es con.

Puis elle laissa éclater son rire cristallin et retourna vers son bureau.

Fais attention, je risque d'être plus entreprenante la prochaine fois.

Elle se mit à rire de nouveau tout en se calant tant bien que mal sur un recoin de son bureau.

Tn "humble condition" comme tu l'appelles, m'a plus appris sur la vie que tout ce que j'ai vu ou fait dans ces laboratoires. Ne te sous-estimes pas Wyrd, tu ne le mérites pas. Et ce n'est à moi qu'il faut dire "ce n'est pas d'où on vient..." parce que tu sais que j'en suis déjà convaincu. Nous sommes ce que nous sommes et si nous sommes là ou nous sommes aujourd'hui c'est parce que nous l'avons voulu. Et je veux cette amitié, je la veux pour encore quelques longues années, et plus si possible.

Alors qu'ils étaient si près les instincts purement masculins du militaire (pléonasme) se réveillèrent, une seconde trop tard malheureusement et il avança le visage pour un baiser alors que Naya avait déjà le dos tourné. Contrarié, il garda contenance et reprit sa posture alors qu'elle se retournait enfin vers lui pour lui sortir quelques mots dont elle avait le secret et qui faisaient chaud au coeur. Avec calme et autant de self control que possible il répondit :

- Moi de même. Et avec un plaisir sans cesse renouvelé.

Eh merde, "Bienvenue dans la dimension franche et solide amitié" comme disait une vieille série des années 2000 (Scrubs). Avec dépit et ce tout lieutenant-colonel qu'il était il reconnu intérieurement qu'il avait fait une boulette d'amplitude 24 sur l'échelle de la connerie (numérotée a 5 maximum). Ne se sentant plus assez en forme pour soutenir le débat, il reprit :

- Bien, je dois encore faire la vérification du HMV, on se retrouve au hangar tout à l'heure ok ?

Et de s'approcher pour poser un délicat baiser sur la joue de sa scientifique certainement préférée.

La jeune femme laissa Wyrd s'approcher et ne fit rien transparaître de sa surprise face à un geste que le militaire ne s'était jamais autorisé durant des années d'amitié. Alors, prise d'une soudaine impulsion, Naya glissa ses mains vers la nuque de son ami et approchant son visage jusqu'à ce que leurs fronts se touchent, elle lui murmura.

Repose-toi un peu avant le départ... s'il te plait ?

Puis elle le prit brièvement dans ses bras et s'écartant, elle se dégagea d'une position qu'elle commençait à trouver inconfortable. Se dirigeant vers ses écrans pour dissimuler sa perplexité et s'empêcher de laisser ses pensées dériver vers des questions qu'elle n'avait pas envie d'aborder, elle ouvrit le premier dossier qui lui tomba sous la main.

Rendez-vous au hangar donc, je devrais avoir le temps de finir les affaires en cours avant nore départ... du moins je l'espère. Ah et au fait, j'ai emprunté l'une de nos sondes pour quelques... modifications. Ca ne posera pas de problème j'espère ?

- Rien ne pose jamais aucun problèmes.

Dit-il, dos à elle et le sourire aux lèvres, "Gagné !" pensait-il sincèrement. Il avait encore une chance de pouvoir séduire celle qui hantait ses rêves depuis quelques temps déjà. avec une suffisance masquée derrière un sérieux qu'il maitrisait à merveille il répondit tout en ouvrant la porte magnétique :

- A tout à l'heure ma grande, je suis sûr qu'on va bien s'amuser durant cette mission.

Puis il partit en direction de la caserne.

Naya ne se retourna pas pour regarder son ami s'en aller. Une fois que la porte se referma, elle se permit d'expirer longuement et lentement, allant s'asseoir -ou plutôt s'affaler- sur la seule chaise encore libre de son bureau. Puis, ses sourcils se froncèrent. Que faisait-elle donc ? C'était son imagination, comment pouvait-elle croire que... Wyrd était son ami. Depuis tellement longtemps qu'elle avait arrêté de compter les années. Son geste n'était peut-être que le résultat de cette longue amitié. Inhabituel il fallait l'avouer, mais sans arrière pensée. LA jeune scientifique, après ses déboires amoureux avec ce... traître, s'était toujours promis de ne plus jamais laisser son esprit s'obscurcir avec ce genre de pensée. Elle se leva d'un bond. "Ca suffit ! Tu as plus important à faire que t'arrêter pour des niaiseries" se réprimanda-t-elle intérieurement.

Et aussitôt, elle se remit au travail. Elle termina les modifications de la sonde, à même le sol -à défaut d'un bureau vide- entourée de toutes sortes d'outils et de schémas. Les heures passaient. Lester Hartmann ne se montrant toujours pas, Naya boucla les analyses préliminaires de la roche récemment découvertes, à défaut d'avoir le temps de commencer les plus poussées. Puis, elle remit tant bien que mal de l'ordre dans ses affaires et envoya un message à Hartmann avec les directives à suivre pendant son absence. Histoire que, lorsqu'elle serait rentrée, les choses aient avancées de façon significatives. Enfin, elle sortit de son bureau, écoutant le verrou automatique se mettre en route avec une certaine satisfaction puis, elle prit la direction des hangars.