- Marsh ! Fait gaffe quand même, c'est profond ce
trou.
- Ne t'inquiète pas, je gère.
Cet échange de parole entre les
deux soldats du corps expéditionnaire Argos, dépêché quatre jours plus tôt pour
explorer les montagnes, rompait le silence de l'immense faille sur le bord de
laquelle les treize soldats progressaient depuis le début de la matinée.
L'endroit était composé d'une roche qu'on pouvait plus ou moins qualifier de
granitique. Le ciel traînait encore dans son cycle les dernières bribes
orangées de l'aube, une belle journée s'annonçait. Depuis qu'ils étaient là,
ces soldats avaient su apprécier la douce température de l'endroit comparé au
climat humide et étouffant de la jungle qui entoure Echo-01.
Marsh, du haut de son mètre quatre-vingt quinze, avait en effet bien du mal à
avancer sur le bord de cette faille. Mais il s'agissait du chemin le plus
rapide pour accéder à une zone aux fortes impulsions électromagnétiques
similaires aux émanations des moteurs à propulsion magnétodynamique. Alors,
tant pis. Il fallait au moins qu’ils reviennent avec quelques données
là-dessus, avant de repartir au camp de base pour un retour le lendemain.
Toujours est-il que le grand
soldat voyait avec harassement la faille entamer une remontée vers de plus
hauts sommets. A ce train là ils devraient arriver sur la zone à explorer dans
trois ou quatre heures. La marche continua donc, durant un temps où le silence
commençait à être extrêmement pesant.
Deux heures plus tard le
contingent sur un petit plateau rocheux dominant la faille, le Sergent Atterson
ordonna une demi-heure de pause. Marsh s’assit sur une pierre et posa son fusil
d’assaut à ses cotés. Fatigué, il but une bonne gorgée d’eau avant de s’en
asperger un peu sur la nuque avec le plat de la main.
Son regard se porta vers les roches qui les entouraient tous. Les couleurs des
lieux s’étendaient sur les tons bleus-gris en une sorte de camaïeu progressif. Le
ciel bleu sans nuages donnait encore plus de profondeur à l’ensemble. C’était
ainsi une exo-planète ? Marsh aimait beaucoup vivre à l’air libre, même si
l’atterrissage avait été catastrophique, il n’en était pas moins heureux de
pouvoir admirer autre chose que les étoiles. Puis qui sait, peut être que la
Rose Noire orbitait autour d’Esperanza, et
qu’un jour …
Sa réflexion fut coupée par le
cri rauque et nasillard qui sembla s’élever de la faille, en l’espace d’un
instant cette dernière se mit à vibrer et le sol trembla tout à coup
violemment. Dans un réflexe commun, les treize soldats saisirent leurs armes et
jouèrent un concerto de cliquetis caractéristiques d’une sécurité qu’on
désactive. Ils se regardèrent, puis regardèrent la fosse qui vrombissait de
plus en plus fort. La voix du Sergent Atterson tonna alors :
-
Formez un demi-cercle défensif ! Barton,
tenez votre lance-grenades prêt et mettez vous derrière les autres !
Exêcu …
La voix sur Sergent s’éteignit dans un gargouillis de sang
et de chair tranchées net. Une arme primitive avait été jetée … Non. Une main
la tenait encore, un être difforme s’était juché sur la rocade au dessus d’eux
et avait donc tué le sergent quand celui-ci avait haussé la voix.
Les réflexes de Marsh s’exécutèrent alors et, d’un commun
effort avec tous les autres un véritable déluge d’acier s’abattit sur la
créature qui fut déchiquetée, une mare de liquide orange commençant à
dégouliner de la paroi.
-
Les gars … Derrière …
La voix de Barton tira les hommes de leur transe, ils se
retournèrent pour le découvrir, mordu à l’épaule par une autre de ces créatures
et une hache le barrant de l’entrejambe au sternum. Derrière cette macabre
scène, des vingtaines de ces créatures sortaient du gouffre à plat ventre, semblant
trouver facile cet exercice d’escalade.
Les échos de ce massacre ne durèrent qu’une dizaine de
minutes. Avant que les créatures ne récupèrent les armes et se mettent en
marche. Vers le sud.
