Cambriolages et filouteries, l'entrée en scène du rat ...

La nuit était tombée sur la base Echo-01 depuis une ou deux heures environ et dans les coursives de l'annexe d'habitation 108 une forme emmitouflée dans une long manteau noir à capuche marchait avec entrain d'un pas silencieux. Ses yeux dorés scintillaient d'une lueur que l'on pouvait prendre pour un regard particulièrement malsain. Mais c'était le genre de chose que l'on pouvait penser du mutant si on ne le connaissait pas. Stack était quelqu'un d'assez calme au final, quand on ne le cherchait pas trop sur ses différences physiques. Il fallait bien avouer qu'ils n'étaient pas nombreux à être aussi différents du type homo sapiens sapiens.

Oui, il ne ressemblait pas à un putain d'hominidé mais lui au moins il avait les moyens de se débrouiller pour survivre ici. Au vu de ses capacités physiques il ne s'en faisait pas trop en fait. Même si beaucoup pouvaient crever, lui était tout à fait dans son élément par ici. Trois fois plus parfait physiquement que n'importe lequel d'entre eux, il n'aurait aucun problèmes à survivre dans cette jungle ouais.

Mais en attendant il devait accomplir son travail, être l'espion personnel d'un des pontes scientifiques des Exodés donnait beaucoup de travail. Ce soir il devait s'occuper de trouver des dossiers pouvant compromettre une administratrice de la base, une certaine Margaret Slaine. Au final il s'en foutait un peu de savoir qui était cette femme, tout ce qu'il savait c'est qu'elle était peut être plus filou que ce que son attitude bureaucratique pouvait laisser penser. Beaucoup de personnes ne mangeaient pas à leur faim ces derniers temps et après enquête de Janice il semblait bien qu'il y ait des détournements de tickets de rationnements. La piste les avait fait remonter jusqu'à Slaine. Et ce soir le rat d'égout devait trouver un moyen de s'infiltrer chez elle.

Il connaissait la base par cœur, tout ses conduits, toutes ses coursives. Par les aérateurs du bloc 108 il pourrait rentrer dans les conduits de climatisation du bloc 100-A, quartier sécurisé où vivaient les bureaucrates. Bientôt il arriva à la bouche d'aération qui l'intéressait, levant la tête il remarqua la grille ... quatre mètres de haut semblait-il, pas grand chose en soi.

Prenant appui sur l'un des murs du couloir, il fit une série de bonds d'un mur à son homologue de l'autre coté du couloir. Une fois monté aux alentours des trois mètres il laissa claquer sa langue préhensile hors de sa boucher pour l'accrocher à la grille, finissant de se remonter ainsi. Avec une agilité inhumaine il réussit à se glisser dans le boyau où l'air était particulièrement chaud. Son manteau le gênait particulièrement pour se faufiler, mais il avait oublié de s'en débarrasser. Pestant contre sa propre stupidité il se glissa tant bien que mal dans les séries de boyaux avant d'arriver au bloc 100-A. Sa torche à hydrogène tenue par sa langue il finit par l'éteindre quand il entendit les premiers pas de bottes semblant lestées dans le couloir sous lui ... Prudent, il regarda par la grille d'aération, voir si c'était une patrouille.

Il faisait encore sombre dans ce putain de couloir. Pesta en elle-même Nelly. Encore un abruti qui avait oublier de réparer le peu d'ampoules fonctionnant. Grommelant et pestant, Nelly était sur la route de son appartement. Les cernes se creusaient sous ses yeux et elle poussa un soupir.

Il était tard. Très tard. Et la jeune femme sentait cette familière sensation l'envahir. La fatigue. Il n'était pas inhabituel qu'elle rentre chez elle aussi tard. Après tout, les locaux du CIR était presque une seconde maison pour elle. Mais il n'y avait rien de tel que d'être à l'air libre. Nelly marchait d'un pas vif et ses bottes de militaire résonnaient sur le sol. Elle inspirait l'air à grandes goulées et expirait lentement. Profitant pleinement de cette marche sportive nocturne. Rien de tel avant d'aller se coucher qu'un peu d'exercice.

Pourtant, elle détestait cet endroit. Ce couloir bourré de bureaucrates et autre gratte-papier. Elle ignorait quel était le connard qui l'avait foutu ici, mais il valait mieux pour lui qu'elle ne le sache jamais. Elle avait demandé à être dans la caserne avec les autres soldats mais on lui avait répondu que ce n'était pas la place d'une femme. Et puis quoi encore?

Bande d'enculés...

Quoi de mieux qu'un bon juron lancé au beau milieu de la nuit? Nelly espérait bien que l'un de ces coincés du cul l'entendrait.

Continuant sa marche, ses sens aux aguets. Elle crut entendre un léger bruit provenant du plafond. La jeune femme, tout à coup prudente et aux aguets, s'arrêta pour tendre l'oreille.

Perché dans son conduit d'aération Stack avait vu venir la femme qui était passée sous lui en lâchant un juron sonore. Enfin pas aussi sonore que le bruit que provoquaient ses pas sur le sol, tout dans sa démarche montrait une de ses femmes qui faisaient une carrière importante dans l'armée. Elle ne semblait pas porter un réel uniforme, ce qui pouvait dénoter qu'elle était en pause. Cependant Stack se fit la remarque que même en pause un ou une militaire était très certainement armé et si lui était doué pour passer inaperçu, il ne pouvait pas pour autant se permettre de tomber nez à nez avec une brute de guerre comme seule l'armée savait en former.

En effet si il était doué pour mettre un coup ou savoir faire quelque peu confiance à ses capacités de combat, il n'était pas assez rapide pour être sûr d'éviter une balle à bout portant. C'était même une de ses hantises, car il savait que les coups de poings étaient faciles à encaisser pour lui, mais il espérait bien ne jamais récolter un pruneau.

Regardant encore la femme, il se demanda qu'est-ce qu'il pourrait bien faire pour la distraire et qu'il puisse continuer son chemin, car manifestement et malgré les précautions qu'il avait pris elle l'avait entendu. Maintenant elle tournait la tête de ci de là pour essayer de savoir si ce qu'elle avait entendu était le fruit de son imagination ou bien quelque chose de réel. Mentalement Stack pesta une fois de plus contre sa propre sottise. Quels choix s'offraient à lui maintenant ? Il pouvait essayer de passer en vitesse ou alors tenter de la neutraliser. Mais si il en venait à ce deuxième choix il savait bien que Janice l'engueulerait copieusement. Ils n'avaient pas besoin d'un membre de l'armée mort ou incapacité, d'autant plus qu'elle était peut être du coté de ceux qui orchestraient les détournements de tickets de rationnement. Oui, vraiment c'était très risqué comme situation ...

Et le mutant ne voyait vraiment pas comment s'en sortir sans trop de problèmes. Néanmoins il se devait de trouver rapidement une solution, pourrait-il baratiner une militaire qui jurait et semblait être de très mauvaise humeur ? Il en doutait fortement quand même, mais il pouvait peut être tenter le coup si jamais ... Ne sachant pas trop quelle partie de son être il était en train d'écouter, il décida de caler le rythme de ses pas sur ceux qu'allaient faire la militaire, pour se camoufler au mieux. Et au pire ... eh bien il aviserait.

Après s'être arrêtée quelques minutes pour déterminer si elle avait réellement entendu un bruit, Nelly se résigna à conclure qu'elle avait rêvé.

Putain de fatigue ...

Marmonna-t-elle. Elle reprit sa marche sportive, tout en gardant une main sur son révolver au cas où. Cependant, elle portait constamment son armure et savait que le recours à son arme serait inutile. Si intrus il y avait, elle pouvait aisément s'en débarrasser à mains nues.

Un nouveau bruit retentit au dessus de sa tête. Cette fois-ci, elle l'avait entendu, elle en était sûr. Une fois par fatigue mais pas deux, elle n'était pas folle non plus, bordel de merde !

Scrutant à nouveau autour d'elle, la jeune femme comprit que le bruit ne pouvait pas provenir du couloir en lui-même. Alors, elle leva la tête vers le conduit d'aération...

S'il y a quelqu'un, je vous conseille de sortir rapidement où je commence à plomber le tuyau. Ca tombe bien, j'avais besoin de me défouler les nerfs...

Eh merde .... Voilà qu'elle avait pas oublié de reprendre son cerveau une fois qu'elle était sorti de la caserne celle là. Intérieurement Stack était maintenant en train de bouillir de colère, il n'aimait pas se faire avoir aussi bêtement. D'un coup d'œil il remarqua soudain l'armure que portait la jeune femme ... Le CIR ? Voilà qu'il était bien tombé, si maintenant on faisait faire des gardes dans les hauts quartiers d'habitations administratifs aux membres des forces d'élite. Sérieux, combien cela devait coûter en plus maintenant ça ?

Quoique, cette dernière considération était un peu triviale, la monnaie n'avait plus vraiment court ces derniers temps et tout marchait au ticket de rationnement. Dans tous les cas ce n'était vraiment pas son jour de chance, il savait très bien que si il n'obtempérait pas sur ce coup là elle tirerait pour de bon en effet. Remarque, il pourrait peut être se débarrasser d'elle plus tranquillement que ce qu'il avait premièrement pensé. Tandis qu'un plan murissait dans sa tête pour pallier à la pire des situations qui pourrait lui arriver présentement, il ouvrit la grille et la laissa tomber sur le sol. Certes si cela marchait cela ne pourrait pas être pire pour lui que pour la jeune femme. Mais bon ... Il faudrait vraiment qu'il demande à Janice de lui autoriser les dix pour cents de perte à l'avenir, surtout dans des missions comme ça, cela simplifierait les choses. Enfin, il se laissa lui même tomber sur le sol en faisant attention à ce que son manteau et sa capuche le couvre encore.

Avec son agilité peu commune il se rétablit directement sur ses pieds malgré les quatre mètres d'espace entre le sol et le plafond à cet endroit. Caché par son manteau, il laissa ses bras ballants le long du corps et restait silencieux. Jamais il n'avait vu cette femme auparavant, mais il était certain d'une seule chose, c'est que quelque soit l'issue de cette rencontre il s'en souviendrait. Stack n'aimait pas être en situation d'échec. A vrai dire il détestait cela.

Au moment où Nelly allait faire feu, une forme sombre se laissa tomber sur le sol. La jeune femme ne put s'apprécier d'apprécier l'agilité de la personne qui lui faisait désormais face. Par contre, elle aima beaucoup moins le fait qu'il (ou elle) soit dissimulé dans un manteau à capuche.

Allons bon, j'ai vraiment autre chose à foutre de mes soirées moi. Ca te prend souvent de te balader dans les conduits d'aération des gens ?

Ah mais pardon, je manque à tout mes devoirs...

Elle s'approcha légèrement, tout en gardant une distance de sécurité et pointa son flingue vers ce qui semblait être le visage du mystérieux inconnu

T'es qui ?

Manifestement elle avait la rudesse des militaires de carrière, combiné à la complexité linguistique d'un charretier des temps anciens. Cela commençait à amuser le filou qui passait peu à peu de la déception de s'être fait prendre à l'amusement de cette situation néanmoins cocasse. Il faudrait néanmoins qu'il s'entraine dur, encore plus dur pour que cela ne se reproduise plus. Malgré tout se faire avoir aussi bêtement avait quelque chose de doucement ironique qui commençait à lui courir sur le haricot, néanmoins prudence car le flingue n'était pas dans sa main à lui. La militaire lui demanda si cela lui prenait souvent de se balader dans les conduits d'aération en pleine nuit. Stack laissa échapper un léger rire amer, oui cela lui prenait souvent car après tout on ne lui laissait aucune marge de manoeuvre. Des mutants il y en avait parmi les Exodés, mais des aussi transformés que lui c'était extrêmement rare. D'une voix simple il dit :

- J'ai vu de la lumière, je suis rentré. Que voulez-vous que je vous dise, je n'avais encore jamais visité ces couloirs du point de vue de l'aération et je n'aime pas rester ignorant. C'était très joli d'ailleurs, franchement à part un ou deux rats crevés ça vaut le détour.

Elle s'était approchée et le braquait maintenant droit vers sa tête ... Il n'aimait pas les armes à feu, très franchement c'était une tricherie pure et simple à son sens. Mais bon, les humains trouvaient cela utile et au vu de leurs prouesses physiques Stack devait bien avouer les comprendre. Mais dans la situation actuelle il trouvait cela extrêmement lâche. Elle lui demandait maintenant qui il était ce à quoi il répondit :

- Je suis un plombier à moustaches qui passe par les tuyaux pour vérifier le débit, si au passage je peux écraser une ou deux mycoses, c'est toujours ça de pris. Au fait je m'appelle Mario. Et vous ?

Vieilles réminiscence d'un cours que Janice lui avait fait subir sur l'histoire du jeu vidéo et des techniques holographiques. L'idée d'un plombier transposée il y a plus de deux mille ans en un jeu vidéo moche et à succès, durant ces temps de technologie préhistorique ... Lui avait déclenché une crise de fou rire lorsque Janice lui avait montré les diapos. Mais là il ne riait pas bien qu'il tendit une de ses mains vers la jeune femme pour une bonne poignée de main cordiale. Foutu pour foutu, autant essayer de décontenancer un peu la cul pincée.

Une lumière rouge se mit à briller par intermitence à travers la poche du sergent Faulkner tandis que son communicateur se déchainait à l'intérieur, vibrant et hurlant une sonnerie stridente à un degré insupportable.

Cette sonnerie à réveiller un mort, Nelly savait parfaitement qu'elle ne pouvait signifier qu'une chose: Le C.I.R. était réquisitionné en urgence. Et étant donné la situation actuelle des exodés, le nombre de possibilités pour que ça se produise était... restreint.

C'est donc en tremblant qu'elle porta la main à sa poche pour recevoir la confirmation de ce qu elle aurait préféré ne pas comprendre:

"Intrusion - Incendie dans les dortoirs - Centre de soin - Intervention immédiate"

La base était attaquée.
Il n'y avait plus une seconde à perdre.

Alors qu'il était particulièrement fier de sa répartie, et qu'il pensait qu'elle allait pouvoir lui permettre de se ménager une issue de secours dans cette situation inextricable, voici que Stack entendit le communicateur de la membre du C.I.R crépiter ... Haussant un sourcil amusé, il ne put s'empêcher de dire :

- Alors, qu'est-ce qui va bien pouvoir être le plus dangereux maintenant ? Un évènement hasardeux ou moi-même .... Grande question ...

Même si il en était encore à user de son humour quelque peu blasé suite à sa capture tout à fait indigne de ses capacités, le mutant se demandait surtout ce qui pouvait bien mettre les membres du C.I.R en état d'alerte à une heure pareille. Pour avoir minutieusement étudié les directives des différents corps militaires depuis ses conduits d'aération, il s'était rendu compte que les temps étaient malgré tout plutôt calmes. C'est alors qu'une voix digitalisée énonça l'évènement qui était en train de se dérouler dans les dortoirs du centre de soins. Un incendie s'était déclaré suite à une intrusion ? S'en prendre ainsi à des personnes totalement sans défenses ... Sans trop réfléchir, Stack laissa tomber son manteau noir. Il aurait maintenant besoin de toutes ses facultés physiques et ne pouvait pas se permettre de les limiter maintenant, sous aucun prétextes. D'une voix convaincue et tout en affrontant le regard de la jeune femme avec ses yeux dorés, il lui dit :

- Nous aurons tout le temps pour nous occuper de mon cas une fois que ce sera réglé. Pour faire simple j'enquête sur le trafic des tickets de rationnements, vous pouvez me voir comme occupant un poste d'espion pour le gouvernement, c'est assez proche de la réalité.

Tout à coup, tout se passa très vite. Son bippeur sonna et elle apprit ainsi que la base était attaquée. Puis, le mystérieux inconnu qui lui faisait face fit tomber le masque, ou plutôt le manteau, et elle découvrit avec stupeur ce qui s'y cachait.

Nelly avait déjà entendu parlé de mutation aussi avancée mais c'est quelque chose de le savoir et nettement autre chose de le voir... c'est alors qu'il parla de sa mission. Les tickets de rationnement. Vaguement entendu parler de cette histoire. Soit. Pourquoi pas. Après tout, la responsable desdits tickets avait ses quartiers dans le coin...

La jeune femme porta la main à son bippeur pour lire le message, comme si le fait de le voir de ses propres yeux la faisait réagir plus efficacement qu'une voix désincarnée.

Elle jeta un bref coup d'oeil au mutant qui la regardait à présent avec calme puis, elle rangea son arme. "Bordel, au point où en est..."

Si tu es réellement au service de ce que tu appelles un "gouvernement" alors suis-moi, tes capacités risquent d'être fort utile.

Au fait, je suis le Sergent Faulkner.

Puis, elle partit presqu'en courant en direction des dortoirs.

Manifestement son apparence avait assez choqué l'agent du C.I.R pour qu'en sus de la panique de ce message elle gobe sans problèmes son petit mensonge. Bien entendu qu'il n'avait aucune accréditation gouvernementale, ce n'était pas comme si Janice était quelqu'un de bien vu par le Parlement dans les temps ayant précédés le crash. Et maintenant il était de toute façon trop occupé avec ses travaux de scientifique à l'heure actuelle pour se faire bien voir auprès du triumvirat. Donc, pas d'accréditations d'aptitude à l'espionnage pour le rat d'égout.

Mais qu'importe, il savait assez bien se démerder pour mentir et venait de le prouver. Tandis que son interlocutrice avait baissé son arme et vérifiait son bipper, Stack s'était accroupi et semblait s'étirer. Bientôt il attendit qu'elle ait finie, en appui sur ses jambes fléchies et les mains posées sur le sol métallique. Elle lui dit (ordonna ?) de le suivre tout en faisant ressentir une certaine antipathie pour ce gouvernement qui laissa Stack de marbre. Enfin elle lui dit être le sergent Faulkner, avant de partir en courant, son armure l'y aidait fortement, mais elle allait au final à la même vitesse que le mutant qui lui courrait sur quatre pattes, une technique qu'il avait apprit alors qu'il n'avait pas cinq ans dans les égouts. Tant pour aller plus vite que pour amuser la galerie. Mais il fallait avouer que c'était utile dans ce genre de moments. Entre deux respirations, il prit le temps de dire :

- Ravi, moi c'est Stack. Mario c'est juste mon deuxième prénom.

(

Dortoirs de l'hopital)